« Les animaux dénaturés »

L’homme est-il un animal comme les autres ou non ? Une expédition scientifique part au fin fond de la Nouvelle-Guinée à la rencontre d’une peuplade inconnue, dont on ne peut déterminer si ses membres sont des hommes ou des singes. Pourra-t-elle résoudre le problème ?

Comme convenu, je continue à vous parler de Vercors : en effet, Vercors a écrit un roman, Les animaux dénaturés, qui se lit très bien et illustre à merveille les problématiques de la culture, de la politique, et de la morale.

Toutes ces questions se posent à nous aussi bien dans les romans que dans la vraie vie, mais pourquoi ai-je l’impression que les élèves ne font pas toujours le lien avec les cours de philo ? On dit pourtant que dix-huit ans est l’âge métaphysicien, l’âge où l’on se pose des questions.

Vercors a commencé ce roman après la seconde guerre mondiale, ce n’est pas anodin.

C’est un ouvrage qui tient autant du roman policier, de l’histoire d’amour, que des explorations scientifiques, ethnologiques, et des débats qu’elles peuvent entraîner.

Très curieusement, nous sommes peut-être allés sur la lune, mais nous ne savons pas répondre à la question « qu’est-ce qu’un homme ? »

Dans la pièce tirée du roman, Zoo ou l’assassin philanthrope, on voit un juge dans sa tenue d’apparat, avec une toque démesurée sur la tête, tonitruer : « Comment, nous n’avons pas de définition de l’homme, mais enfin c’est insensé, allez chercher un juriste, un scientifique, un prêtre ou bien même, tenez, un philosophe, mais enfin faites quelque chose ! ».

Et, en effet vous le comprenez bien, soit un peuple, un groupe, ne fait pas partie des hommes, et, dans ce cas, on peut tout à fait lui passer un mors entre les dents et le mettre au travail comme on l’a toujours fait avec les animaux, soit c’en est un et on ne le peut pas. Et, en effet, dans le roman, un industriel est déjà sur les lieux, avec des plans pour mettre toute la tribu, ou plutôt tout le « cheptel » sur des métiers à tisser…

C’était déjà la question dans La controverse de Valladolid, qui, avant d’être un roman de Jean-claude Carrière, puis un film avec Jean-Pierre Marielle et Jean-Louis Trintignant, est une querelle historique, que vous avez peut-être vue au cinéma. Mais c’est surtout une question  réccurente dans l’histoire de l’humanité.

Si l’humanité se définit clairement elle-même, elle saura du même coup ce qu’elle ne peut toucher à aucun prix, ce qui fait le propre de l’homme et qu’elle doit au contraire protéger et cultiver. Tout ce qui pourrait menacer cette essence serait en effet une menace pour l’humanité entière.

Et le juge, qui décidémment m’a marquée, de se dire « Je redégringole dans les questions adolescentes… j’y redégringole ou je m’y élève à nouveau ? ».

Bonne question… Les problèmes sont posés mais ils le sont au travers de situations rocambolesques, vivantes et drôles. On voit par exemple deux savants  de l’équipe se chamailler au sujet de  coquillages dont certains meurent très jeunes, enfermés dans leur propre coquille. Ce qui apparaît très clairement, c’est que les croyances de chacun préexistent à leurs conclusions scientifiques.

On voit aussi Douglas, le héros, qui a donné son sperme pour féconder une femelle Tropi, puis qui a mis à mort l’embryon, ne plus savoir lui-même s’il mérite une décoration ou… la pendaison. Et sa compagne de dire : « S’ils décident que tu as tué un homme, je ne pourrai m’empêcher de penser comme eux. »

Voilà, j’espère vous avoir mis l’eau à la bouche!