Qu’est-ce qu’une dissertation? II

Le plan dialectique

Souvent, on vous demande un plan en trois parties. Sachez qu’au bac, ce n’est pas obligatoire: on vous demande simplement que votre plan soit cohérent, que l’on puisse vous suivre.

Mais attachons-nous plutôt au plan général d’une dissertation et, plus particulièrement, au plan dialectique, le fameux plan en trois parties.

Cette dialectique nous vient de Hegel.

Hegel pensait que la vie est un mouvement permanent, que « tout se meut », et « que l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » selon les mots d’Héraclite.

La définition de la dialectique est le mouvement par lequel les choses se renversent en leur contraire. En effet, les dictatures sécrètent des révolutions ; Hegel dit qu’elles en accouchent, c’est un mouvement interne, inhérent à la vie. Les visions simplistes, naïves ou mutilantes — puisqu’elles laissent certains aspects en dehors de la réflexion — entraînent littéralement le retour en force de ce qu’elles ont voulu écarter. Puisque ces aspects ne sont pas pris en compte, ils vont « revenir » dans le réel, exactement comme des gens que vous ne voulez pas prendre en compte et qui ne s’en tiendront pas là.

Donc, on vous a posé une question. Après avoir redéfini tous les mots, vous donnez une première solution, la plus évidente, celle qui vient spontanément à l’esprit. Que vous la partagiez ou non, vous la défendez, vous lui donnez le maximum. C’est votre 1ère partie.

Mais, même ainsi, ses limites apparaissent : elle ne résout pas tous les cas de figure. Ou bien elle entraîne plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Donc la 2ème partie est la réponse à la 1ère. Mais la 2ème n’est pas satisfaisante non plus et il faudra réussir à sortir du problème.

Deux points de vue s’affrontent alors et, de cet affrontement, naît une troisième façon de prendre le problème qui n’était pas comprise dans les deux premières. Déjà en chimie, la goutte d’eau n’était prévisible ni dans l’hydrogène ni dans l’oxygène. Mais elle en est bel et bien le résultat et ce n’est pas un résultat mécanique. Il s’agit de la propriété émergeante de la matière. Encore moins sommes-nous le résultat mécanique de nos deux parents !

J’agis, je pose un acte. Et tous les aspects que je n’ai pas pris en compte viennent donner à mon action une autre forme que celle que j’aurais voulue. Il s’agit bien d’une réponse, mais d’une réponse d’un type un peu spécial : c’est la vie qui me répond. D’une certaine façon, c’est moi, par mon action, qui ai provoqué cette réponse. Peut-être n’y a-t-il aucune autre manière d’apprendre. C’est une philosophie de l’action.

Il s’agit toujours de dialectique mais d’une dialectique vivante.

La dialectique mécanique (noir-blanc-gris) en est la caricature ! C’est pourquoi certains professeurs n’en veulent plus.

Pour ma part, la découverte de la dialectique a été un moment important. Elle m’a beaucoup aidée dans ma vie. Cela m’a fait comprendre que rien n’est jamais figé, ni fini. Tout évènement est toujours un moment dans un mouvement sans fin.

La troisième voie peut être un compromis entre les deux premières en prenant ce qu’elles ont de mieux et en les articulant. Mais ce n’est pas la seule possibilité.

Peut-être vous sautera-t-il aux yeux ce que les deux thèses que vous avez opposées ont de limité.

Par exemple si j’oppose deux thèses économiques, le philosophe en vous verra tout de suite que l’homme cherche du sens, qu’en outre il est un être de désir et que l’économie, qui se veut rationnelle, ne saurait rendre compte des situations dans leur complexité.

Hegel utilise en allemand le terme de « Haufhebung » impossible à traduire en un seul mot, qui signifie « dépassement de la contradiction » mais aussi « supprimer tout en conservant »…

En effet : les fruits ont-ils « supprimé » les fleurs et les boutons ? Oui et non… Avons-nous « supprimé » l’enfant que nous étions pour devenir adulte ? Idem.

Donc, ce dépassement a intégré et conserve en lui quelque chose de ce qu’il a dépassé. C’est un élargissement du cadre de pensée. Vous verrez souvent  que l’on cherche à vous enfermer dans un cadre de pensée déjà dépassé justement et qu’il s’agit pour vous d’en sortir.

C’est là, le piège. Mais ce sera le même toute l’année, on s’habitue…

Par exemple : l’inné et l’acquis. Sincèrement, il y a autant d’arguments en faveur de l’un et de l’autre. Il est vrai, bien sûr, que l’éducation compte énormément pour nous construire mais chacun connaît aussi des enfants doués vivant dans les pires conditions… Quand François Jacob ou Merleau-Ponty nous expliquent que ce qui est inné ce sont des capacités et qu’elles ne se développent que par la culture ambiante, cela ne nous sort-il pas du piège ?

Vous devez expliquer au professeur que la question est mal posée ! C’est vrai, je ne plaisante pas !

Et je vous joins un petit croquis pour ceux que ça aide.

Est-ce que cela vous paraît plus clair ? J’attends vos retours avant de continuer…