Quelques éléments pour comprendre l’esprit grec
La cité grecque forme une entité autonome sur son territoire. Les lois sont en train de s’inventer et de mettre fin aux vendettas. Un procès se déroule devant des tribunaux et se soustrait à la vindicte des clans. L’Etat-cité s’interpose comme arbitre tout-puissant. Mais en même temps, nous sommes au V° s. av. J.C., et la cité et la religion sont totalement liées. Si l’on admettait que les Dieux puissent ne pas exister, l’ensemble des fondements civiques et moraux pouvait s’effondrer.
Socrate veut faire réfléchir ses contemporains. Il interroge chaque Athénien. Il les interroge sur ce qu’ils disent pour les faire réfléchir à ce qu’ils font. La vérité est en nous, nous devons nous en faire accoucher les uns les autres. Par le dialogue, sont mis à l’épreuve tout ce que les hommes croient savoir. Parler, c’est articuler le monde d’une certaine manière; c’est faire émerger un ordre. Socrate pensait que l’être des choses se révélait à nous par les différentes opinions qui circulent sur elles: en affrontant les contradictions des différents points de vue, on est amené à dépasser le stade des opinions pour parvenir à la science, par extraction de cette parcelle de vérité que contient tout point de vue singulier.
En nous abstrayant des particularités de chaque situation concrète pour ne conserver que ce qu’elles ont en commun, nous parvenons au concept.
Faire mal, c’est faire erreur sur son propre but, et bien faire, c’est savoir ce qu’est le bien pour l’homme. Les hommes sont dans le flou, l’indétermination, l’étrangeté. L’institution de la cité correspondra à celle de leur propre identité. Il faut que tous les esprits s’accordent sur ce qu’est le Bien: « Au nom de ce qui est juste…les hommes se tuent les uns les autres » (1er Alcibiade) Comme un même étalon vaut dans tous les cas de mesure, un même concept doit valoir pour tous, dans tous les cas, pour tout jugement de valeur.
…Athènes essaie de se remettre d’une grave crise, et tente de retrouver ses assises morales traditionnelles. Le procès de Socrate fut un procès anti-intellectuel.. Les procès pour impiété étaient courants, on reproche à Socrate de corrompre la jeunesse.
Il est condamné en -399 av.J.C.
Le but de Platon en écrivant tous ses dialogues, (et nous ne connaissons Socrate que par eux), c’est de fonder une cité où il ne serait pas pensable de condamner Socrate. On est en démocratie, tous les citoyens votent, et les démagogues flattent le peuple dans le sens qui convient à leurs intérêts. De proche en proche, sa mort conduit à découvrir l’injustice de la cité. C’est la première et dernière fois en philosophie que nous voyons des personnages en chair et en os débattre de ce qui touche à la vie concrète des hommes.
L’ordonnance interne de l’homme est en liaison avec la logique qui gouverne l’Univers. C’est pourquoi il est indispensable de trouver cette logique, ces principes immuables: on saura alors comment vivre. Plus on s’en approche, plus on peut ordonner en nous les différentes parties de notre être, qui sinon sont soumises au chaos et provoquent autant de souffrances au-dehors qu’en dedans.
Ce que Platon recherche, c’est donc le principe qui gouverne la vie, et il tente par ses dialogues, qui mettent tous en scène son maître Socrate, d’amener ses contemporains à réfléchir par eux-mêmes.
Il s’agit, en fait, de passer de la nature à la culture, c’est-à-dire à une vie juste. Il n’y a pas de différences entre devenir juste dans sa vie « privée », c’est-à-dire se conduire selon la raison, et construire une cité juste. Ces deux aspects dépendent l’un de l’autre, ils sont interdépendants. C’est pourquoi seul celui qui a su ordonner les différentes parties de lui-même, le Sage, seul celui-là peut gouverner.
Comment parvient-on à cette harmonie, entendue comme juste proportion? On y parvient au moyen du dialogue, par le Logos (Raison, Langage, logique) Il y a une logique cachée dans le langage, qu’il faut faire apparaître, par le dialogue.L’âme est un champ de force, qui subit la double attraction de la raison et des désirs, du divin et du terrestre. Par le dialogue, on élimine tout le faux de nos pensées, et on s’approche ainsi du discours juste, du mot juste, de l’ordre divin. Puis on y fait correspondre les actions qui en découlent, et la cité s’ordonne mieux. C’est pourquoi il y a continuité entre l’individu et la cité. Les cités vertueuses donnent à voir la justice de leurs membres, et les cités troublées leurs troubles.